La religion catholique au Vietnam: Contrairement à d’autres religions, le catholicisme achoppa énormément sur plusieurs difficultés au début de son implantation au Viêt-Nam (début du XVIème siècle). Cela a été dû en grande partie au refus des missionnaires d’admettre et d’intégrer le culte des ancêtres et les coutumes (polygamie, croyance aux esprits etc…) dans le catholicisme et à l’époque où le Viêt-Nam fut troublé par les guerres internes incessantes. C’est la période où le Viêt-Nam connut le même sort et le même cas de figure que le Japon avec une dynastie légitime mise en tutelle par une famille de ministres héréditaires, ce qu’avait perçu le père Alexandre de Rhodes dans son livre « Histoire du Royaume du Tonquin ». Il y souligne que ce que nous avons dit du Chúa des Tonkinois a beaucoup de rapport avec ce que l’on raconte du Daishi des Japonais.
C’est pourquoi le catholicisme fut perçu, durant cette période, de façon variable par les deux familles gouvernantes, les Trịnh au Nord et les Nguyễn au Sud avec un conflit sempiternel prenant le roi en position d’otage. Il fut alternativement toléré, interdit voire persécuté. Malgré cela, le catholicisme commença à trouver un écho favorable auprès des déshérités et même auprès de la Cour royale en la personne d’Alexandre de Rhodes.
Alexandre de Rhodes
C’est un personnage hors du commun avec ses capacités linguistiques exceptionnelles. Il est né à Avignon en 1591 et issu d’une famille de commerçants probablement israélite. C’est celui qui fut choisi à cette époque pour devenir le chef et l’acteur essentiel des missions catholiques au Royaume du Tonquin. Il essaya de gagner la faveur des seigneurs par le biais de leur entourage et par les cadeaux offerts, en particulier les horloges et les livres de mathématiques. Il trouva ainsi un succès très net auprès du seigneur Trịnh Tráng au Nord du Viêt-Nam. Par contre, il fut chassé au Sud par le seigneur Sãi Vương bien qu’il réussît à convertir une parente de ce dernier, Marie-Madeleine par le baptême. Ulcéré par son échec contre le Sud, le seigneur Trinh Tráng en rendit les étrangers responsables, en particulier les missionnaires catholiques. Il finit par interdire sous peine de mort les conversions. L’infatigable missionnaire Alexandre de Rhodes fut chassé enfin en mai 1630 hors du Viêt-Nam tout en y laissant au moins 50.000 catholiques encadrés par des catéchistes vietnamiens et un héritage culturel dont aucun vietnamien ne peut pas se passer aujourd’hui. Son nom continue à être chéri dans notre mémoire collective car c’est grâce à lui qu’on est le seul pays de l’Extrême-Orient à avoir une écriture romanisée.
En s’inspirant des travaux de Ricci et de Diego de Pantoja sur la romanisation du chinois, il arriva à nous donner non seulement un système de notation linguistique basé sur les tonalités de la langue vietnamienne et complété pour la circonstance par un système d’accents utilisés en polonais, en hongrois et en portugais mais aussi un instrument d’affranchissement intellectuel et de diffusion culturelle inégalé en Extrême-Orient. Il fit paraître son dictionnaire vietnamien-latin-portugais en 1651. À cause de son expulsion hors du Viêt-Nam, son oeuvre ne fut pas achevée et fut reprise et complétée plus tard par Mgr Pigneaux de Béhaine et Mgr Taberd.
Le catholicisme vietnamien ne retrouva que son accalmie durant les troubles de Tây Sơn et connut son apogée lors de la réunification du pays sous la houlette de l’empereur Gia Long. Celui-ci était protégé et caché par Mgr Pigneau de Béhaine quand il était encore le jeune prince Nguyễn Ánh battu, traqué et poursuivi par les troupes des Tay Son dans le sud du delta du Mékong (Hà Tiên, Poulo Condor).
Par fidélité à la mémoire de celui qui lui avait donné de la nourriture et qui l’avait aidé à conquérir le trône avec ses mercenaires français, Gia Long, tout en respectant les missionnaires et leurs chrétiens a su adopter, durant son règne une attitude analogue à celle de l’empereur Kangxi des Qing en Chine (1661-1722 ) par un mélange de tolérance, d’intérêt et d’ouverture d’esprit bien qu’il favorisât le renouveau au confucianisme traditionnel. Sa mort (en 1820) fut suivie pendant quarante ans d’une élimination presque complète de l’influence européenne et d’une série de persécutions contre les catholiques sous le règne de Minh Mạng, Thiệu Trị et Tự Ðức.
Malgré cela, le catholicisme vietnamien continua à se développer tant bien que mal et arriva à éviter à faire l’amalgame entre la religion et la France qui prétendit la défendre contre les athées en la personne de Nguyễn Trường Tộ. Celui-ci est né dans une famille catholique du Nghệ An (Nord Vietnam). En accompagnant l’évêque Gauthier dans son voyage en Europe, il eut l’occasion de suivre, à cette époque, les cours à la Sorbonne à Paris. Avec le regard d’un vietnamien patriote, catholique et intellectuel ayant eu la chance de voyager à l’étranger, il continuait à croire que le seul moyen de sauver le Viêt-Nam de la menace étrangère et de pérenniser l’indépendance de son pays, passerait primordialement par l’ouverture des frontières non seulement aux Français mais aussi aux Anglais et aux Hollandais et par un ensemble de projets de réforme politique , sociale et technologique dans le but de permettre au Viêt-Nam de sortir de son isolement , de se moderniser et d’être doté de meilleures technologies afin de faire face aux ambitions territoriales étrangères.
Son mémorandum ne fut pas retenu malheureusement par l’empereur Tự Ðức. Face à un groupe de mandarins confucianistes fortement structuré qui entourait l’empereur poète Tự Ðức, il fut obligé de se retirer quelques années plus tard dans sa ville natale et mourut en 1871 tout en emmenant avec lui la douleur et la tristesse d’un catholique patriote de voir sombrer son pays dans le chaos et dans la servitude. Tiraillé entre la foi et le patriotisme, Nguyễn Trường Tộ réussit à nous montrer par son comportement et sa conduite exemplaire qu’il est possible d’être à la fois un catholique fervent et un défenseur de l’indépendance nationale.
Malgré une longue période de relations conflictuelles avec la nation, le catholicisme vietnamien, taxé de connivence à tort et à travers avec les étrangers, sait montrer, tout au long de son existence, non seulement sa capacité de résistance, de résignation et d’adaptation mais aussi sa force, sa vitalité et sa participation active et constructive dont la nation a besoin dans les moments sombres de l’histoire du Viêt-Nam. Soucieux d’améliorer le sort des déshérités, le catholicisme vietnamien sait mener dans le passé comme dans le présent des actions humanitaires et charitables dignes de l’amour du Christ à travers ses écoles, ses orphelinats etc .
C’est ainsi qu’il réussît à pénétrer l’amalgame des trois religions (le bouddhisme, le confucianisme et le taoïsme) et qu’il finit par faire corps avec la spiritualité du Viêt-Nam. Le catholicisme est depuis longtemps la deuxième religion d’état. Avec 8 millions de catholiques, le Viêt-Nam devient le deuxième pays catholique d’Extrême-Orient après les Philippines.
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