L’art du pinceau
L’art du pinceau: La technique du calligraphe implique donc plus que tout autre la connaissance parfaite de son matériel. Or, la particularité de la calligraphie traditionnelle à la chinoise tient moins à l’usage du pinceau pour écrire qu’à la nature de l’encre utilisée. En effet, celle-ci est telle qu’aucune retouche n’est possible. D’où l’importance de la préparation psychologique du calligraphe et même les effets de mise en scène qui l’accompagnent parfois.
C’est la vigueur du coup de pinceau qui compte. La pensée et le maniement du pinceau vont donc de pair. Leur simultanéité dans la rapidité est, depuis l’époque où cet « art » a été codifié en Chine – le Bizhentu, « la stratégie du pinceau » de Wei Chuo date du premier quart du 4ème siècle- considérée comme l’expression du génie. La calligraphie serait, en quelque sorte, la part inventive, proprement artistique du lettré.
Compte tenu du statut social élevé qu’il occupe dans le monde sinisé, l’art d’écrire, de peindre des lettres, est à priori un art distingué. Sa technique, codifiée, nécessite un matériel approprié dont la beauté formelle est parfois extrême surtout s’il s’agit d’un haut mandarin ou d’un roi.
L’encrier, la pierre à encre, seul témoin des époques passées puisque le papier, le pinceau, l’encre sont périssables, est devenu parfois objet de vénération. En Chine, sous les Song, les lettrés chérissaient jalousement les pierres à encre des dynasties précédentes et y gravaient des poèmes. L’empereur vietnamien Tu Duc (1847-1883) cédant à cette tradition avait calligraphié lui-même sur le couvercle du fameux encrier en pierre précieuse qu’il possédait un poème où il l’élevait au marquisat…
Sur la table du lettré, on va trouver :
-la pierre à encre dans laquelle on dilue l’encre. Le mouvement de frottement régulier du bâton d’encre contre la pierre, qui permet au calligraphe de faire son encre, « lui permet de rassembler son souffle, d’ordonner ses pensées en même temps qu’il échauffe et délie le poignet et la main » dit Claire Illouz (Les Sept Trésors du lettré. Paris, 1985)
-l’encre, dont on a dit qu’elle avait été inventée par les Coréens. Elle est en forme de bâton, ou de pain, généralement décorée. Elle est obtenue par un alliage de cendre de bois de pin et de colle.
-le pinceau
-le papier
Le papier plus que la soie est le matériau qui s’est révélé le mieux adapté comme support à l’écriture telle qu’elle était pratiquée dans le monde sinisé.
Au début du 20ème siècle, les papetiers étaient localisés dans la province de Hung Hoa, au village de Phó Dinh, et aux portes de Hanoi, au village de Buoi « Lang Buoi », qu’on appelait encore le « village du papier » . Ce village, catholique, comme tout ce qui a touché, à une époque, au livre imprimé et à l’imprimerie typographique, ne possède plus aujourd’hui qu’une petite fabrique de papier artisanal.
La fabrication se déroule selon cinq opérations :
-macération de plusieurs sortes d’écorces dans un bain d’eau de chaux.
-séchage, lavage et broyage dans des mortiers en pierre sous des pilons à bascule pour obtenir la pâte à papier.
-dilution de cette pâte dans des réserviurs contenant de l’eau additionnée de copeaux de mo gç qui contiennent un liant.
-les feuilles sont formées sur des cadres de bois dont le fond est constitué d’un fin treillis.
-les feuilles sont ensuite mises sous presse pour en exprimer l’eau, séparées et séchées.
Aujourd’hui, cette technique artisanale a été abandonnée dans ce village. On n’y fabriquait plus, il y a une dizaine d’années, qu’un papier assez grossier, genre papier d’emballage. Les installations agrandies et rénovées dans les années 1940 étaient encore utilisées en 1986 pour ce type de production.
Le pressage au pilon était remplacé par une forme de séchage sur claies exposées au soleil, tout comme on procède pour les galettes de riz ou les poissons séchés.
Aujourd’hui, les cuves et les hangars sont remplacés par des immeubles.
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