Art décoratif: Edifices cultuels, palais, riches demeures sont souvent très décorés : écrans, arêtes faitières et autres éléments de toît, cloisons, piliers en sont les supports. Les motifs de décoration sont de diverse nature : des symboles religieux (bouddhistes, taoïstes), les quatre animaux aux pouvoirs surnaturels, tu linh (c’est à dire le dragon, la licorne, la torture et le phénix), des caractères chinois
Tho, la longévité, Loc, la richesse, Phuc, le bonheur,
des motifs géométriques, des motifs végétaux. Ces mêmes motifs peuvent se retrouver sur du mobilier, des bijoux, etc. L’étude qu’en a fait le Père Cadière dans le Bulletin des Amis du Vieux Hué (BAVH) en 1917 est remarquable. Elle a été largement mise à contribution ici.
L’art décoratif vietnamien, du moins celui qu’on connaît le mieux, c’est à dire celui du 19ème siècle, joue la stylisation des motifs et, genéralement, la convention. Les motifs ornementaux, souvent utilisés en association, se présentent alors selon un code sévère ou des alliances convenues. Certaines de ces associations peuvent être basées sur un jeu de mots.
Parfois cette association, plus intime, devient véritable transformation et nous constatons le passage complet d’un motif à un autre motif : l’un des éléments constitutifs du sujet perd successivement ses caractères distinctifs pour aboutir à la représentation de l’autre élément.
Ainsi, par exemple, les représentations du dragon et du rameau feuillu, ou de la fleur de nénuphar et du dragon, sont comme des instantanés qui montrent le passage d’un élément à l’autre, sa véritable transformation de l’un en l’autre. C’est d’ailleurs le terme hoa, transformation, qui est employé. C’est dans ce procédé que réside le plus souvent la créativité de l’artiste. Il fait songer à ces divertissements à base d’écriture de certains lettrés où la créativité s’exerce aussi à la transformation en jouant tout à la fois sur les mots, l’écriture et les sons.
Parmi les caractères de l’écriture qui sont aussi des motifs d’ornement le caractère Thä apparaît fréquemment inscrit sur de nombreux monuments publics ou lieux privés.
Le caractère Phuc lui, a été l’objet d’un véritable jeu de mots ritualisé. En effet le mot phóc désigne le bonheur mais il désigne aussi la chauve-souris. Le caractère est écrit de manière différente suivant le sens mais la prononciation est la même. Celà a suffit pour créer le symbolisme. La chauve-souris est devenue le symbole du bonheur, l’image de l’animal étant « lue » comme un caractère et signifiant le bonheur.
Le dragon est l’animal le plus utilisé dans l’art vietnamien. Tout comme la licorne, le phénix et la tortue, il communique par son image les qualités qu’il possède. Il est le symbole de l’empereur. Il est aussi, plus généralement, le symbole de l’homme alors que le phénix est le symbole de la femme. Lorsqu’il figure à côté du phénix et du caractère H-O, la joie, celà signifie le bonheur conjugal.
Le dragon est représenté de diverses façons. Dans toute sa longueur sur les arêtes de toit, les rampes d’éscalier, etc. En entier, mais vu de face, c’est le « dragon dans le nid » qui décore des façades de portail. Lorsqu’il est ainsi vu de face, il tient dans sa bouche le caractère Thä. Il est alors dénommé « le dragon qui mange le caractère Tho »
Bonheur et longévité peuvent aussi être symbolisés dans de véritables tableaux. L’allégorie n’est plus codée par l’écriture. On entre alors dans un domaine qui relève désormais de la peinture, comme dans l’exemple ci-contre.
dans la rue…
Les motifs d’écriture sur la pierre, le bronze, le bois sont fréquents au Vietnam. Nous donnons ici quelques exemples de bâtiments ou d’objets ainsi marqués :
Art décoratif et écriture sont fortement liés au Vietnam. Mais les bâtiments religieux ou officiels ne sont pas les seuls à présenter de tels motifs. Petite promenade dans la rue hier et aujourdhui :
Depuis quelques années, le commerce privé se développe aussi bien en ville que dans les villages et les boutiques proposent de plus en plus de marchandises. Des enseignes signalent, de façon de plus en plus évidente ces commerces. A Hanoi, on ne peut manquer d’être frappés par la manière dont elles cherchent à capter l’interêt du passant.
On remarque un goût certain pour l’écriture au détriment du dessin. Les mots (en quèc ng÷ généralement mais quelque fois en caractères chinois) sont disposés selon un schéma familier, celui des « Cau Doi », les sentences parallèles.
Cette remarque fait inévitablement penser à l’analyse que faisaient Pierre Huard et Maurice Durand dans « Connaissance du Vietnam » (Hanoi, EFEO, 1954) à propos de la décoration dans la vie quotidienne des Vietnamiens. Ils disent en effet ceci : « il est très remarquable qu’il n’y ait pas eu de peinture vietnamienne traditionnelle. La décoration sur papier, poursuivent-ils, n’a pas tenté les artisans pourtant si doués pour les arts graphiques.
Etant donnés les rapports de la calligraphie et de la peinture avec le lavis, si étroits dans la culture sinoïde, on peut supposer l’existence d’une imagerie populaire aussi ancienne que les caractères chinois et dont il ne reste rien. L’imagerie populaire récente (19ème siècle) n’est représentée que par peu de spécimen étudiés, entr’autres par le R.P.Y. Laubie (BAVH 1937). Elle ne pouvait pas faire prévoir le développement considérable de la peinture contemporaine. Quoi qu’il en soit, l’ornementation au moyen de sentences verticales ou transversales en caractères chinois est resté pendant longtemps un ornement fondamental de l’habitation vietnamienne ».
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