L’histoire des moustiques
Il était une fois, un modeste cultivateur qui avait épousé une fille très belle. Tous deux, jeunes et bien portant, semblaient voués à un avenir simple et laborieux mais heureux. Le mari s’occupait de quelques rizières et d’un petit champ pendant que son épouse élevait des vers à soie. Un jour cependant, la mort emporta brutalement la jeune femme. Le mari ne voulut pas se séparer du corps de sa bien-aimée. Il s’embarqua sur un sampan et partit au fil de l’eau. Il rencontra le Génie de la Médecine qui voyageait souvent parmi les hommes pour leur enseigner soins et remèdes et soulager leurs maux. Sur les conseils du génie, le mari sortit le corps du cercueil, se fit une entaille au bout du doigt et laissa tomber trois gouttes de son sang sur le cœur de sa femme. Miracle ! Celle-ci ouvrit les yeux et se releva lentement, comme si elle se réveillait d’un profond sommeil. Ses forces revinrent vite. Le génie dit à la femme : « N’oubliez pas votre devoir ! Pensez au dévouement de votre mari. Désormais soyez tous deux heureux ». Pendant le voyage de retour le mari rama jour et nuit, pressé de regagner son foyer. Un soir, il descendit dans un port pour acheter des provisions. Pendant son absence, une grande jonque vint se ranger près de son sampan. Elle était conduite par un riche commerçant qui fut frappé par la beauté de la jeune femme. Il l’invita à venir prendre le thé mais dès qu’elle fut à bord de la jonque le commerçant fit lever les voiles et mit le cap vers le large. Le mari courut les mers et les terres et ce n’est qu’au bout de plusieurs mois qu’il retrouva enfin celle qui était tout pour lui. Malheureusement celle-ci se plaisait dans le luxe et sans détour refusa de le suivre. D’abord déçu il fut rapidement guéri de son amour et ne la regretta plus. Mais il lui dit :
« Vous êtes libre. Seulement je vous demande de me rendre les trois gouttes de sang que je vous ai données vous permettant de revenir à la vie. Je ne veux pas que vous gardiez en vous la moindre parcelle de moi-même ». Heureuse d ‘en être quitte à si bon compte, la femme s’empressa de prendre un couteau et de se couper le bout du doigt. Mais à peine le sang avait-il commencé à couler qu’elle pâlit affreusement et s’affaissa sur le sol. On se précipita vers elle, mais il était trop tard, elle était morte. Femme légère et frivole, elle ne pouvait se résoudre à quitter ainsi ce monde. Alors elle y revient, mais sous la forme d’un petit insecte qui depuis lors passe son temps à chercher son mari pour lui demander les trois gouttes de sang qui la feront revenir à la vie humaine, tout en bourdonnant ses regrets et ses repentirs. Ceci s’est passé il y a bien longtemps ; la femme infidèle n’a toujours pas retrouvé celui qui l’aima tant. Ce n’est que bien plus tard que cet insecte fut appelé moustique et voici pourquoi seules les moustiques femelles viennent nous piquer, dans l’espoir de pouvoir revenir parmi le monde des humains.