Le général Vo Nguyen Giap sur l’histoire du Vietnam
Le général Vo Nguyen Giap sur l’histoire du Vietnam: Le décès du général Giap a déchaîné dans la presse occidentale un flot d’articles au titre plus ou moins dithyrambique : «Le vainqueur des Français et des Américains», «Giap, le volcan sous la neige», «Le général Giap, stratège vietnamien, bourreau des Français», etc.
En général, on admire en lui le grand capitaine mais parle peu de l’influence de ses victoires sur l’histoire de son pays et du monde. Pour le public étranger, son nom est surtout lié à Diên Biên Phu. Les dictionnaires usuels en Occident ne mentionnent que Diên Biên Phu, laissant dans l’ombre la Campagne Hô Chi Minh qui a mis fin à 30 ans de guerre, également une victoire de Giap.
Le dictionnaire allemand Der Brockhaus in einem band note : «La chute de Diên Biên Phu marqua la fin de la domination française sur l’Indochine». Le dictionnaire anglais Hutchinson remarque: «La chute de Diên Biên Phu a causé la division du Vietnam et, par ricochet, la chute de la 4e République en France». Selon le Dictionnaire Universel Francophone, «après une longue résistance, les troupes françaises encerclées par les forces Viêt Minh commandées par le Général Giap furent vaincues».
Diên Biên Phu fut un coup de foudre dans le ciel serein du colonialisme. Il marque un jalon dans l’histoire mondiale, à peu près comme la victoire navale japonaise en 1904, à de Tsushima où pour la première fois un pays «jaune» avait vaincu une puissance «blanche». À Diên Biên Phu, pour la première fois, un peuple colonial a vaincu une puissance colonisatrice. Diên Biên Phu a lavé la honte des Vietnamiens appelés «sales Annamites» par les colons pendant près d’un siècle. Dans ses mémoires, un expatrié vietnamien résidant en France depuis la Seconde Guerre mondiale raconte qu’il n’a osé épouser une Française qu’après Diên Biên Phu. Avant cette date, il souffrait d’un complexe d’infériorité raciale.
Parmi les 100 commandants militaires du monde
Les historiens de la guerre de tous les pays n’hésitent pas à classer le général Giap parmi les plus brillants guerriers du monde. Citons à ce sujet le colonel américain Michael Lee Lanning, vétéran de la Vietnam War, auteur de The Military 100 (Citadel Press, New York). Dans cet ouvrage, il a choisi et classé 100 commandants militaires de tous les pays au cours de 25 siècles. Son choix est basé sur un critère: ne choisir que des hommes de guerre professionnels, qui se sont distingués par des victoires éclatantes, mais de choisir ceux qui, par leurs décisions militaires, ont exercé une influence profonde, heureuse on néfaste, sur la marche de leur pays, d’une vaste région ou du monde entier.
La sélection englobe des héros nationaux aussi bien que des tyrans et des criminels de guerre, des hommes politiques aussi bien que des hommes de guerre. En tête de la liste figurent Washington, Napoléon, Alexandre le Grand, Gengis Khan et César. On se demande pourquoi Washington occupe la première place. L’auteur explique son classement.
Napoléon exerçait une influence vaste et profonde avec la diffusion de son Code civil, de l’idéal de la liberté, ses innovations en matière de stratégie et de toxique militaire, sa contribution indirecte à la naissance des états allemand et italien. Alexandre le Grand renouvela l’art militaire et créa un empire reliant l’Europe à l’Asie. Gengluis Khan, guerrier invincible semant la terreur, bon administrateur, conquit des terres s’étendant de la Chine à la Grèce, à la Pologne et la Russie. César fonda un empire imprégné de culture latine qui a duré 500 ans, laissant à la prospérité le code romain ainsi que des modèles d’organisation des villes et de l’armée.
Pourquoi réserver la première place à Washington alors que ses exploits militaires sont bien loin de valoir ceux de Napoléon, Alexandre le Grand, Genghis Khan et César. Selon Lanning, après de nombreux combats indécis, Washington a remporté la victoire finale d’Yorktown en 1780, victoire qui devait changer le face du monde à cause de ses conséquences : triomphe de la révolution américaine, naissance des États-Unis, création d’un modèle d’état démocratique durable. Sans Washington, il n’y aurait pas les USA aujourd’hui, puissance dont les décisions ont une grande influence sur le monde.
Le général Giap, quarantième
Le général Giap est classé 40e, après Suntzu (23e), avant Mao Zedong (48e), Togo (69e), Jukov (70e), Lin Pao (76e), Fidel Castro (82e), Tito (84e), Kim Li Sang (86e), Scliang Kai Shek (89e). L’auteur mentionne de nombreux mérites du général Giap pour justifier son option. Giap était le maître de la guérilla appliquée à la guerre de longue résistance. Son enseignement et ses expériences ont profité aux peuples coloniaux luttant pour leur libération. Ses succès militaires ont une grande influence sur les décisions politiques et militaires des dirigeants d’autres pays, en particulier les États-Unis qui ne voudraient pas renouveler l’erreur d’une seconde Vietnam War.
Concernant la Seconde Guerre mondiale, l’ouvrage de Lanning cite les Américains Eisenhower (18e), Mac Arthur (80e) et Marshal (16e), les Russes Koniev, et Joukov (70e) (pas de Staline), l’Anglais Montgomery, le Japonais Yamamoto, les Allemands Hitler (16e) et Rommel (79e), aucun Français.
Bien que ne commandant directement aucune opération, Hitler est classé 16e parce qu’il était le chef suprême de la puissante Wehrmacht dont l’œuvre de distraction et de mort devait bouleverser le monde de façon durable : division de l’Allemagne, émergence de l’URSS, guerre froide, dislocation des empires coloniaux britannique et français, les États-Unis abandonnant la politique de l’isolation pour devenir la première puissance du monde. Le maréchal Rommel qui s’est distingué dans les campagnes de France et, d’Afrique (Afirkakorps) a réalisé la tactique d’attaque – éclair avec des unités blindées. Soupçonné de trahison contre Hitler, il se suicida sur ordre du Führer. Soldat de carrière très digne, il jouit de l’estime de ses adversaires.
Concernant le général Giap, je voudrais ajouter un détail. Son opuscule La guerre du peuple, d’armée du peuple (adaptation en français de Nguyên Khac Viên, Éditions en langues étrangères de Hanoi), traduit en plusieurs langues, a servi de boussole pour des mouvements de libération nationale en Asie, Afrique et Amérique latine.
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