Croisière une journée dans la baie de Halong
Croisière une journée dans la baie de Halong: Lorsque j’étais en voyage au Vietnam je vous ai raconté une partie de ma croisière dans la baie de Ha Long. Et je vous avais promis de vous en montrer davantage, alors voici le récit d’une journée en croisière privée dans les îles de la baie de Ha Long (souvent orthographiée Along par les Français, pourquoi ?). Quelle différence me direz-vous entre ce récit et le précédent ? Une différence de plusieurs dizaines de passagers à bord…
Lorsque j’avais préparé ce voyage je savais déjà que je sacrifierais à l’incontournable croisière en baie de Ha Long (Along), et si comme moi vous rêvez d’une croisière romantique pour goûter à la quiétude et à la majesté du paysage – façon Indochine – n’oubliez pas qu’à moins d’être une « star » normalement votre agence de voyages vous fera embarquer à bord d’un bateau de croisière (au mieux aux allures d’une ancienne jonque) contenant au minimum 20 à 30 passagers (version luxe). Tout dépend ensuite de la nationalité des passagers à bord, mais quoiqu’il en soit vous suivrez le troupeau pendant deux jours : des heures de petit déjeuner, déjeuner, dîner rythmées par le gong du cuisinier de bord, et visites / mini-excursions en groupe.
Soit dit en passant mon guide vietnamien m’a traduit le nom de la grotte Hang Sung Sot par « grotte aux merveilles », dans des guides papier je l’avais lue sous le nom de « grotte à la surprise ». Mais je vous raconterai cette grotte une autre fois.
Sachant que chaque jour environ 200 bateaux quittent le port de Ha Long vers les îles, imaginez ensuite le nombre de « troupeaux » qui abordent les mêmes îles pour photographier le même coucher de soleil ou qui arpentent à la queue leu leu la même « grotte aux merveilles« …
Rassurez-vous, c’est déjà bien. Vous réussirez toujours à vous isoler quelques minutes pour profiter d’un peu de solitude sur le pont supérieur à la nuit tombée en cherchant à distinguer les pics montagneux dans la nuit veloutée. Pour cela il vous faudra vous priver de dessert au dîner. Si comme moi vous avez payé l’option « balcon » pour votre cabine à bord (tout juste la place d’y poser vos deux pieds) vous pourrez photographier tranquillement le paysage le lendemain midi depuis votre fenêtre tandis que tout le monde se presse autour de l’apéritif. Quand on veut, on peut. Et le spectacle en vaut la peine.
Mais si vous avez réservé une petite enveloppe de budget supplémentaire à cet effet je vous recommande vivement de vous offrir l’exclusivité d’un bateau privé pour la journée pour vous extraire des touristes (en partie). Ce n’est pas si coûteux, à condition de faire cette transaction sur place par l’intermédiaire d’une agence de voyage locale ! Depuis la France ou votre pays d’origine les frais seront plus importants. A prévoir tout de même à l’avance puisque les bateaux doivent être réservés parfois longtemps à l’avance (merci Internet…).
C’est ainsi que par un beau matin ensoleillé tandis que les touristes (40 personnes) sont rassemblés à l’arrière du bateau en attendant de grimper à bord de navettes on me fait embarquer sur une petite jonque privée sous le regard envieux ou courroucé de mes compagnons de voyage. Comment ? Elle part toute seule ? Et pourquoi elle part la première?…
Un moment de gêne passager qui s’estompe bien vite (honte sur moi !) tandis qu’un gentil serveur m’offre des tranches d’ananas fraîchement coupé. Ma jonque est courte mais je dispose d’un pont supérieur (fantastique pour se détendre et bien sûr pour photographier à son aise), et d’un salon intérieur sommairement meublé (deux tables + quatre bancs) mais joliment décoré de fleurs et légumes sculptés. Après la visite hier de cette fameuse « grotte aux merveilles » j’ai soif de solitude et de silence : je rejoins le pont supérieur tandis que le capitaine m’annonce qu’il met le cap sur l’île de Cat Ba.
A cet instant j’ai bien pensé que le capitaine et son skipper (qui ne parlent que trois mots d’anglais) pouvaient bien m’emporter loin de tout en mer de Chine personne ne me retrouverait jamais ! Pourtant en cet instant rien ne pourrait entraver cette soudaine griserie qui m’envahit, suspendue entre ciel et mer au milieu de ces pics majestueux comme autant de silhouettes au garde-à-vous dans l’un des derniers bastions communistes de la planète. Je me sens euphorique, totalement libre dans l’un des plus beaux paysages au monde. Terriblement consciente de la chance qui m’est offerte de vivre cela.
Baie de Ha Long (ou Along) : 2000 îles entrées en 1994 au classement du patrimoine mondial de l’UNESCO. Accessible depuis la ville de Along qui ne mérite pas de s’y attarder. Préférer les excursions autour des îles du parc de Cat Ba et baie de Lan Ha (plages de sable, au large de Cat Ba). Meilleure période : en février, mars et avril la brume et les bruines sont fréquentes mais confèrent une atmosphère unique, l’été les températures sont plus douces mais les orages frequents.
Et le temps coule, aussi lentement que dans un sablier, se faufilant le long des îles verdoyantes, sous l’approbation des oiseaux curieux de cette blonde extatique qui les mitraille avec un drôle de tube blanc fixé au bout d’une boîte noire. Certains viennent se poser au bout de ma chaise longue, la plupart se contentent de tournoyer au-dessus de mon crâne.
Le skipper me rejoint, propose une fine couverture pour me protéger d’une légère humidité ambiante. Je refuse, avec le sourire. D’un doigt il me montre une île et je comprends rapidement : cette île-montagne a un profil d’homme au nez aquilin, une curiosité dans le coin.
Je demande une carte pour comprendre notre trajet, il m’en rapporte une, maintes fois manipulée. En quelques endroits des îles ont quasiment disparu sur le papier du fait d’une utilisation trop fréquente mais il me montre nos déambulations (présumées) pour la journée. Nous allons nous perdre dans les îles du parc de Cat Ba. J’acquiesce. De toutes façons ils peuvent bien m’emmener où bon leur semble, je ne bougerai pas de ce bateau jusqu’à la nuit tombée !
Une heure de contemplation plus tard « ma » jonque (à moteur) s’arrête dans ce qui semble être un cul de sac où domine le vert : celui – saturé – d’une jungle asiatique agrippée aux flancs des montagnes tombant à pic dans l’émeraude de la mer de Chine. Un kayak est mis à l’eau et je grimpe devant le skipper qui insiste pour m’emmener faire une promenade aquatique. Il rame, je profite. Même pas honteuse, juste heureuse !
Vietnam, grotte avec lac intérieur en baie de Ha Long
Attention la tête !
Je me ratatine pour éviter le plafond bas d’une grotte de roche calcaire que nous traversons. De petites chauves-souris couinent ici et là, manifestant leur courroux devant ces intrus attirés par cette lueur verte, de l’autre côté. Et nous débouchons alors dans une sorte de lac intérieur dont nous faisons le tour longuement, dans un silence griffé par le chant des hirondelles, rythmé par les rames s’enfonçant à une allure lente et régulière dans la soie d’une eau de jade. Je suis dans le décor du dernier film de James Bond, à mille lieux de mon quotidien, dans un autre espace-temps…
Le skipper s’arrête, et profite à son tour. Il doit faire cela sans doute tous les jours, cela ne l’empêche pas d’observer autour de lui, de montrer du doigt un oiseau, et là-bas un petit singe dans les arbres. Et de sourire…
Nous retraversons la grotte et revenons vers la jonque. Une légère fumée s’échappe à l’arrière et tandis que je grimpe à bord les effluves d’un barbecue éveillent mon appétit. Déjà midi, et pourtant j’ai le sentiment que si je me mets à table le temps me rattrapera ! Envie puérile de me priver de repas pour ne pas basculer déjà dans l’après-midi, dans la seconde partie du voyage, annonciatrice d’une fin inéluctable. On me fait comprendre que j’ai le temps de prendre un bain. J’hésite un instant : seule au milieu de nulle part, dois-je sauter à l’eau au risque de voir cette jonque s’éloigner et me laisser là ? Mais mon instinct de survie habituel s’efface devant la grande serviette de bain que me tend le skipper. Hop, à l’eau !
Vous êtes-vous déjà baigné(e) en mer de Chine ?… J’ignorais que c’était possible. Pour moi « mer de Chine » était synonyme d’expédition, de pirates sans foi ni loi, de cargos lourdement chargés jusqu’au naufrage. Equivalent à typhons, raz-de-marées, inondations. Grise. Noire. Houleuse.
Mais non : je me suis bel et bien baignée en mer de Chine, rectifiant tous mes a priori négatifs, contrevenant aux idées reçues alimentées par des journaux télévisés formatés. Depuis, je me suis renseignée et lorsque je retournerai en Chine j’irai sans doute plonger sur les côtes de l’île de Hainan, au Sud de Hong Kong, non loin du Vietnam justement et de ses îles de Ha Long.
Après avoir goûté pendant quelques minutes à une eau paisible et épaisse (visibilité nulle = plongée sous-marine impossible), d’une température agréable (24° en novembre), je remonte à bord non sans avoir fait la planche quelques instants pour ce baptême en eau asiatique, contemplant le ciel bleu encadré par ces montagnes de film d’action. Ces îles me rappellent les pics géologiques que j’ai vu l’année dernière en Chine dans la région de Guilin (province de Guangxi) ; cette fois je retrouve ces pics mais en mer comme autant de pains de sucre sur un miroir liquide. Un jour j’irai en Thaïlande du côté de Krabi pour en voir d’autres qui y ressemblent.
Le temps de me changer et le déjeuner est servi. Je suis embarrassée de manger toute seule tandis que le capitaine oeuvre aux grillades et que le skipper se transforme en serveur : salade de papaye verte (j’en raffole !), l’inévitable poisson frit (pêché du matin), brochettes de crevettes grillées (savoureuses et tendres), l’incontournable riz blanc (que je laisse de côté), et un plat de fruits frais artistiquement découpés. Ultra simple, mais terriblement efficace. Comme je m’exclame devant la joliesse des plats qui me sont présentés le capitaine s’approche et m’offre timidement une jonque sculptée dans… de la carotte et un concombre ! Je suis touchée, nous rions ensemble, pudeur partagée entre Orient et Occident. De ces beaux moments que je goûte à leur juste valeur quand ils surviennent au détour d’une situation inopinée.
Vietnam, jonque sculptée dans concombre et carottes
Le capitaine reprend la barre, le skipper me pousse vers le pont supérieur de nouveau et nous quittons la baie d’Eden (c’est ainsi que je la surnomme dans mes souvenirs parce qu’ils n’ont pas su m’écrire son nom). Une heure plus tard, tandis que je flotte entre le parfum d’un thé au jasmin et la caresse du vent léger sur mes bras, nous approchons d’un rassemblement de bateaux de touristes. Je fais la grimace. Mon skipper me fait comprendre « pas le choix ». J’avais demandé à visiter un village, à rencontrer la population : visiblement je ne suis pas la seule ou alors il n’y a que ce village aux alentours.
Le skipper m’accompagne sur un quai flottant et me trouve une place à bord d’une barque après avoir négocié le tarif avec le rameur : nous sommes une dizaine à bord, je suis coincée à l’arrière derrière un gros monsieur qui s’agite beaucoup. Je maudis tout bas ceux qui tendent leur bras soudainement pour prendre une photo avec leur écran LCD (désolée chers lecteurs mais…).
Une autre grotte, un autre lac intérieur. Mais quatre barques bondées de touristes qui tournoient à la queue leu leu, en un tourisme bien asiatique, bien réglé, à une allure de métronome. Pas d’arrêt, pas de contemplation. Juste des « ohhhh » et des « ahhh » qui ricochent en écho d’une barque à l’autre. Photos correctes impossibles. Et pas vraiment l’occasion de profiter du fait des circonstances.
De vous à moi je surnomme ce genre de prestation du « promène-couillon », quand on privilégie le nombre à la qualité. Dommageable pour tous à terme. Mais c’est ainsi, et parfois on ne peut l’éviter.
Après la grotte nous faisons un petit tour du côté du village : c’est un village flottant avec ses « maisons » construites sur des barriques vides en plastique le plus souvent, sa station-essence et son bateau-poubelles (plutôt moderne !). Un village de pêcheurs avec ses casiers de crabes bleus et ses vendeuses de fruits et chips / soda en barques. Retour au tourisme de masse. Mais il faut bien que tout le monde vive et puis c’est l’occasion de prendre deux ou trois photos que je retrouverai à mon retour sur d’autres forums et d’autres galeries photos.
Nous revenons au quai flottant, mon skipper me retrouve avant que ce ne soit le contraire et m’embarque sur un mini-esquif à ras de l’eau pour rejoindre « ma » jonque. Je retrouve ma bulle de tranquillité, de sérénité : je respire ! Et profite encore davantage du voyage de retour pendant deux heures vers le bateau de croisière qui n’attend plus que moi pour lever l’ancre et rejoindre une petite baie pour la nuit. Demain nous repartirons vers le port de Ha Long.
Pendant tout le dîner à bord (je vais l’écourter au strict nécessaire) je reste seule dans ma tête, à revivre les fabuleux moments de cette incroyable journée dans la baie de Ha Long. Dès que possible je monte sur le pont supérieur et malgré la brume envahissante, presque collante, j’écarquille les yeux pour contempler les sihouettes fantomatiques des îles de Ha Long. Et je pense déjà à vous la raconter, pour vous inciter à en faire de même.
Vietnam, silhouettes des îles de la baie Ha Long (Along)
Alors bien sûr il s’agit d’une dépense supplémentaire sur le budget d’un voyage vers le Vietnam mais vous conviendrez que visiter ce pays sans s’offrir une croisière dans les îles de Ha Long est quasiment inconcevable. Et si vous voyagez en famille, entre amis, et surtout en couple, il serait dommage de vous priver de cette bouffée de solitude qui n’a pas de prix surtout lorsqu’on visite une région aussi touristiquement exploitée que Ha Long. Je vous le promets, une croisière privée dans la baie de Ha Long est un souvenir unique que vous rapporterez alors de votre voyage au Vietnam…
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