Village Le Mat avec les temples et les maisons communales du Vietnam: On est habitué à dire : Cầu Nam, Chùa Bắc, Ðình Ðoài pour rappeler la célèbrité des trois régions spécifiques de l’architecture traditionnelle vietnamienne. Ðình Ðoài insinue ainsi la région Ðoài (Hà Ðông, Sơn Tây) où figure un grand nombre de đinh réputés. (Tây Ðằng, Mông Phụ , Chu Quyến etc…). C’est dans cette région proche de la montagne et des forêts qu’on trouve du bois précieux, résistant et dur indispensable à la construction des đình.
Origine du mot Ðỉnh
Le mot đình vient de l’idéogramme chinois ting. Malgré cela, le đình dans l’architecture vietnamienne ne correspond pas à la description du ting des Chinois. Ceux-ci l’employaient au cours du temps pour désigner un pavillon isolé pour goûter les joies culturelles (thưởng ngoạn văn hóa), une maison de repos (đình trạm) pour un voyageur ou pour un mandarin en mission ou un temple pour le culte du génie des remparts à l’époque des Han.
Au XVIIIème siècle, on recensa à peu près 11.800 villages au Vietnam. Cela veut dire qu’il y a autant de maisons communales (ou đình) que de villages.
Comme les Vietnamiens ont l’habitude de dire : l’eau qu’on boit rappelle la source (Uống nước nhớ nguồn), il y a toujours en eux une reconnaissance, une gratitude envers ceux qui leur ont rendu service ou envers leur pays. C’est pourquoi rien n’est surprenant de voir un grand nombre de personnages historiques ( héros nationaux et locaux) ou légendaires (Génie de la Montagne Tan Viên par exemple) et de bienfaiteurs faisant partie des génies tutélaires des đình. Ceux qui ont accompli des actions d’éclat ne sont pas non plus oubliés. De plus, parmi ces génies tutélaires, il y a aussi les enfants, les mendiants et les voleurs. Ceux-ci moururent de mort violente et à une heure sacrée (ou giờ thiên), ce qui leur confère des pouvoirs surnaturels pour protéger les villageois contre tous les maux et tous les malheurs.
Grâce à ces dieux communaux, le village retrouve non seulement la tranquillité et la prospérité mais aussi la règle, la justice et la morale.
Ils sont en quelque sorte la personnification de cette autorité suprême qui puise toute sa force dans le village lui-même.
En fonction de leur rôle plus ou moins bien rempli, ils peuvent recevoir des brevets royaux (sắc phong) qui leur accordent les grades de « génie du rang supérieur (ou Thượng đẳng thần) » ou de « génie du rang moyen (ou Trung đẳng thần) » ou du « génie du rang inférieur ( Hạ đằng thần) ».
Cette institution permet au roi de rétrograder ceux d’entre eux ne réussissant pas à remplir leur mission en créant le désordre au village ou en laissant périr les villageois. Ces brevets royaux qui étaient gardés avec soin et jalousie dans le Hậu Cung (ou palais intérieur) étaient la fierté indescriptible de tout le village. Si ce dernier n’a pas son génie tutélaire, il est obligé d’emprunter le génie tutélaire d’un autre village ou de le remplacer par le génie du sol (thổ thần). Au cas où les villages sont unis par un culte commun au même génie tutélaire, ils doivent s’arranger de manière que le jour de fête soit fixé à une date convenue dans chaque village et que tout le monde puisse y participer par l’envoi d’une délégation lors de la procession.
Contrairement aux temples construits et entretenus aux frais de l’état, les maisons communales sont aux frais des villages car il s’agit bien d’un culte local. Les richesses trouvées dans la décoration des đình et leurs dimensions dépendent à la fois de l’aisance financière et de la générosité des villageois.
On trouve dans chaque village des parcelles de terre appelées rizières des rites (ou tế điền) ou rizières des génies (ruộng thần từ) dont l’exploitation sert à entretenir le đình et dont la superficie peut atteindre plusieurs dizaines de mẩu (ou 0,36 ha) dans certains villages d’avant 1945.
C’est aux autorités hiérarchiques locales la responsabilité d’administrer le đình ainsi que le village comme « une petite cour ». Les règles, les moeurs et les traditions sont appliquées avec sévérité et elles sont plus respectées que l’autorité du roi. Les femmes ne sont pas admises dans le đình. C’est pourquoi on a l’habitude de dire en vietnamien « Phép vua thua lệ làng » (L’autorité du roi cède à la coutume du village ).
Festival de Lê Mât
Chaque année, le Festival de Lê Mât a lieu le 23e jour du 3e mois lunaire. Il est possible d’y voir des jeux populaires, des activités artistiques locales, des danses populaires traditionnelles. Le temps pour vous de visiter le fameux village aux serpents et de vivre une aventure culinaire unique, tout en prenant part à la fête !
On peut dire qu’il est en quelque sorte la mairie d’une ville d’aujourd’hui. Mais il est mieux considéré que cette dernière car il est le lien affectif de toute la communauté du village car à travers lui, le Vietnamien peut retrouver non seulement ses racines mais aussi les aspirations et la somme des souvenirs communs du village où il est né et il a grandi. Son attachement profond à son village, en particulier à son đình ne trahit pas l’expression de ses sentiments qu’on a l’habitude de trouver dans les chansons populaires suivantes:
Qua đình ngả nón trông đình
Ðình bao nhiêu gói thương mình bấy nhiêu….
En passant devant la maison communale, j’incline mon chapeau conique pour la regarder
Autant elle a de tuiles, autant je t’aime ….
ou bien
Trúc xinh trúc mọc đầu đình
Em xinh em đứng một mình cũng xinh
……………………………
Bao giờ rau diếp làm đình
Gỗ lim ăn ghém thì mình lấy ta ….
Le joli bambou-ivoire pousse à l’entrée de la maison communale
Tu es jolie, ma mie, jolie même si tu te tiens toute seule.
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Chaque fois que le đình pourrait être érigé à partir des laitues et que le bois « lim » pourrait être comestible, nous pourrions nous marier …
L’image du đình est ancrée intimement dans le coeur des Vietnamiens.
Le đình est le symbole de leur identité.
Déjà, au XIIème siècle, sous la dynastie des Lý, parut un édit stipulant que sur tout le territoire vietnamien, chaque village doit construire son propre đình.
Celui-ci suivit les Vietnamiens au cours de leur marche vers le Sud du XIème au XVIIIème siècle. D’abord il s’implanta dans le Centre du Vietnam en passant par les provinces Thanh Hóa et Nghệ An sous la dynastie des Lê, puis par les provinces Thuận Hóa et Quảng Nam sous les Mạc et enfin dans le delta du Mékong à la pointe de Cà Mau avec les seigneurs des Nguyễn. Sa construction évolua pour s’adapter non seulement au nouveau climat, aux nouvelles terres acquises et aux nouveaux matériaux disponibles trouvés sur place mais aussi aux traditions et aux moeurs locaux tout au long de son parcours sur des milliers de kilomètres durant les 4 siècles d’expansion.
Hormis les Hauts Plateaux, berceau de la culture ancestrale des minorités ethniques, le đình réussit à se distinguer dans la diversité avec un style et une architecture propre à chaque district et à chaque région. Construit quelques siècles plus tôt, le đình du Nord reste la référence pour la plupart des Vietnamiens car il est retenu non pas pour son caractère esthétique mais plutôt pour son caractère original.
Il est le symbole authentique de la vie rurale des Vietnamiens au fil des siècles.
C’est lui qui a été érigé le premier par la culture villageoise vietnamienne dans le delta du Fleuve Rouge. Le đình du Nord n’est pas seulement un assemblage de colonnes, d’arbalétriers et de toutes sortes d’éléments soudés par des mortaises et des tenons reposant sur des bases en pierre mais c’est aussi une armature en bois sur laquelle s’appuie la toiture qui la consolide de son propre poids.
Une des caractéristiques de la maison communale vietnamienne c’est le rôle des colonnes qui servent de soutien à la toiture. Son profil est très imposant grâce à ces colonnes principales volumineuses. C’est le cas du đình Yên Đông détruit par un incendie (Quảng Ninh) et dont les colonnes principales atteignent 105 cm de diamètre. Cette impression est illustrée souvent par l’expression qu’on a l’habitude de dire en vietnamien: to như cột đình ( colossal comme la colonne du đình ). C’est ce qu’on trouve dans le fameux « Ðình Bảng » avec ses 60 colonnes en bois de fer (gỗ lim) et sa grande toiture terminée par les angles rebroussés en forme des pétales de lotus.
Outre les cérémonies fixées dans l’année en l’honneur du génie tutélaire, les villageois accordent une grande importance aux anniversaires de sa naissance et de sa mort. Mais il y a aussi d’autres sacrifices occasionnels provoqués souvent par un mariage, une nomination, une promotion ou une noce d’or ou d’argent (khao lão).
Cela permet de donner lieu à des ripailles dans le village et permet de fêter en grande pompe le culte au génie tutélaire. Celui-ci peut-être un homme ou une femme. Il est facile de l’identifier au moment de la procession. Pour le génie-homme, il y a toujours la présence d’un cheval en bois laqué de rouge (ngựa hồng) ou de blanc ( ngựa bạch) de grandeur naturelle et monté sur un rectangle de bois muni de roulettes. Celui -ci est richement caparaçonné et il est censé de porter l’âme du génie.
Au cas où le génie est une femme, ce cheval est remplacé par la palanquin de chanvre rouge (võng đào) suspendu au fléau aux bouts sculptés en tête de dragon et reposant sur deux chevalets formés de trois bâtons croisés.
Pendant la durée de la fête, on sacrifie au génie tutélaire avec solennité en promenant son char ( kiệu) accompagné par un grand nombre d’objets de culte, d’armes de parade, de dais (tán) et d’oriflammes (cờ) , du đình au nghè (son lieu de résidence) (1) ou du village à un autre village allié au cas où ceux-ci sont unis par le culte du même génie et en organisant des divertissements multiples: combats de coqs, de buffles et d’oiseaux, jeux d’échecs aux pions humains, luttes à main plate etc…
C’est à travers le đình (ou maison communale) qu’on s’aperçoit que la vie villageoise s’introduit intimement dans l’art de décoration.
Celui-ci tente de se libérer non seulement des modèles conventionnels classiques rencontrés jusqu’alors mais aussi du carcan confucianiste qu’a connu le Vietnam dans le système féodal.
C’est ce qu’on voit dans les sculptures sur bois qui parsèment tous les espaces libres rencontrés à l’intérieur du đình ( de la charpente de la toiture jusqu’aux colonnes). Tous les défauts de la construction ont été cachés avec adresse grâce à cette technique d’embellissement. Dans chaque pièce sculptée, le motif que ce soit un animal, un personnage, une fleur etc… est unique et ne se retrouve nulle part même s’il s’agit du même thème. Par contre, on découvre dans ces sculptures la coexistence à travers des siècles de deux cultures, l’une nationale et savante et l’autre populaire.
On trouve non seulement dans la première tous les motifs relatifs aux quatre animaux hiératiques (Rồng, Lân, ,Rùa, Phượng) ( Dragon, Licorne, Tortue, Phénix) aux quatre plantes nobles, aux fées, aux animaux (tigres, éléphants etc ..) mais aussi la fantaisie, l’imagination, l’innovation de la part du paysan-sculpteur malgré son obéissance stricte aux normes fixées.
Dans les sculptures populaires, le maître artisan qui est avant tout un paysan, se laisse guider par ses inspirations personnelles, ses émotions sincères, ses frustrations, sa spontanéité et ses sentiments dans la réalisation de son oeuvre avec réalisme et humour. Il réussit à échapper à la censure des moeurs par une habilité peu commune en procédant à la description des scènes grivoises dans son oeuvre: une jeune fille se baignant nue dans la mare aux lotus ou assise décolletée sur une tête de dragon (đình Phụ Lão, Bắc Giang) , un jeune homme pelotant le corps d’une femme sous le regard complice d’un compère (đình Hưng Lộc), un mandarin dérangeant un fille qui est en train de se baigner et qui est obligée de recourir à la feuille de lotus pour cacher son corps ( đình Ðệ Tam Ðông, Nam Ðịnh) etc ….Il ose dénoncer les malversations des mandarins corrompus. C’est ce qu’on voit dans la pièce sculptée du đình Liên Hiệp. Ce sont les interdits et les tracasseries rencontrées tous les jours dans la société confucéenne vietnamienne. Tout ce qui est trouvé dans cette sculpture populaire reflète en grande partie la liberté d’expression de l’artiste ainsi que les aspirations communes et la vie sociale du village.
Le paradoxe est visible car le đình est à la fois le gardien de l’ordre confucéen qui s’était solidement implanté dans l’infrastructure familiale et sociale vietnamienne et le lieu où le paysan pouvait retrouver sa liberté d’expression et dénoncer le carcan confucéen. Avec ses sculptures et son architecture, le đình constitue un trésor inestimable pour le peuple vietnamien.
On a l’habitude de dire en vietnamien: làng nước ( Village Nation ) car la nation vietnamienne s’est formée au fil des siècles par l’essaimage des villages dont le đình est à la fois le centre spirituel et administratif, social et culturel. Dès lors, le đình est non seulement l’âme du village mais aussi celle de la nation vietnamienne.
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