Comment traverser la rue au vietnam: Alors, ça vient ?
« Tiens moi bien la main pour traverser !« . Qui d’entre nous n’a jamais dit cela à ses enfants ? C’est que traverser une chaussée n’est pas un jeu d’enfant. Et au Vietnam, en particulier.
Tous les guides, de papier ou en chair et en os, le disent : une des premières compétences à acquérir si l’on veut se promener en toute tranquillité au Vietnam, c’est de savoir traverser une rue. Bon, je vois d’ici les ricanements de mépris et haussements d’épaules de dédain de tous ceux qui depuis belle lurette n’ont plus besoin qu’on leur tienne la menotte pour traverser rues, routes et boulevards. Et pourtant, combien d’entre ceux-là, fraîchement arrivés au Vietnam, se trouvent paralysés au moment de quitter le pavé pour le macadam. Ils sont là, sur le bord du trottoir, hésitants à traverser ce maelström pétaradant indifférent à leur détresse. En espérant l’improbable : que le flot s’arrête pour laisser passer les piétons. Or, c’est justement là où le bât blesse : ici, le flot ne s’arrête jamais…
Alors, j’y vais où pas ?
Comment cela jamais ? Mais, là, regardez, il y a bien des feux de signalisation et des bandes blanches sur la chaussée. En langage international, ça veut dire : si le feu est rouge, les véhicules doivent s’arrêter, et les piétons traverser. Tenez, il y a même la petite figurine verte qui s’allume sous le feu tricolore et qui signifie : Allez les piétons, on se bouge un peu, avant que la circulation ne reprenne ses droits ! Sauf qu’entre le langage des signes, ou plutôt des signaux, et les moeurs locales, il y a une différence notable.
Ici, le feu rouge ne signifie pas l’arrêt total et immédiat du flux comme un garrot que l’on poserait pour arrêter une hémorragie, mais un passage optionnel en fonction de la capacité du conducteur à interpréter l’obtempération visuelle.
Pour certains, la plupart heureusement, le sens civique prend le dessus, et ils acceptent de cesser de circuler pour que le piéton circule. Pour d’autres, par contre, c’est au contraire l’occasion de profiter d’un ralentissement du flot pour passer le croisement le plus vite possible. Et le nombre de secondes qui s’affichent pour décompter le temps qui reste avant, soit de démarrer pour ceux qui sont à l’arrêt, soit de s’arrêter pour ceux qui roulent, ne semble être là que pour information.
En effet, nombreux sont ceux qui sur la ligne de départ démarrent avant la fin du compte à rebours, et nombreux sont ceux qui sur leur élan poursuivent leur route, alors que déjà les secondes en vert ont laissé la place aux secondes en rouge. Bref, ici, le passage piéton n’est pas exempt de passage de véhicule quand le piéton doit passer !
En fait, que l’on soit sur un passage piéton ou pas, que l’on traverse une place ou une avenue, il y a LA bonne technique, et toutes les autres.
J’en connais qui, face à cette situation, jouent les fanfarons, en se disant que le meilleur moyen est d’être plus rapide que les véhicules, et qui comptent sur leur vitesse de pointe pour rallier le bord opposé. Sauf que c’est la meilleure façon de percuter violemment quelques centaines de kilos de métal, quand ce n’est pas quelques tonnes, et de vérifier par l’expérience les lois de l’énergie dynamique et du rapport des masses !
J’en connais d’autres, qui s’arment de patience en attendant que le flot se tarisse, ce qui est une excellente solution si l’on souhaite passer la journée à compter motos, vélos, cyclos, voitures et bus, et si l’on souhaite déjeuner dans le petit restaurant d’en face à 23h00. Et encore, à condition que le restaurant en question ne se trouve pas sur une rue… passante.
J’y vais, au pas !
La bonne technique, elle, consiste à adopter une attitude fluide et déterminée. Et justement, pour les personnes qui viennent me voir, j’ai créé un «Certificat de traversée de phô et duong (rue)», qui résume les compétences à manifester dans cet exercice indispensable pour se déplacer en ville. Je ne résiste pas au plaisir de vous le communiquer ici :
Traversée des rues vietnamiennes phô et duong
Certification sur les compétences et aptitudes suivantes :
Traverser toute voie de communication urbaine ou rurale au Vietnam.
– Sans augmentation du rythme cardiaque.
– Sans manifester de malaises vagaux.
– Sans laisser son testament à l’hôtel.
– Sans avoir de modification notable du transit intestinal.
– Sans souiller la chaussée de liquides incongrus.
– Sans rejeter son contenu gastrique sur le trottoir opposé.
– Sans émettre d’injures ou propos racistes et «biradiaphobes».
– Sans s’accrocher désespérément à un coéquipier de traversée.
– Sans s’arrêter, les bras en croix face et fesses au danger.
– Sans utiliser d’objets contondants pour rompre le flux.
– Sans casser les pieds et autres organes, utiles par ailleurs de ses coreligionnaires.
– Sans faire demi-tour en hurlant, à faire honte à notre fierté.
– Sans se faire traîner, écraser, écrabouiller, compresser et encombrer les hôpitaux vietnamiens.
Acquérir une attitude fluide et assurée, qui consiste à :
– Fixer le but à atteindre sur le trottoir opposé, en laissant sa vision périphérique s’assurer de la crue et la décrue des flux.
– Oublier la notion de circulation à droite ou à gauche.
– Déplacer lentement son corps de façon décontractée, en un mouvement du bassin et des membres inférieurs vers l’avant, dos droit, et bras ballants.
– Maintenir le mouvement vers l’avant, au pas, sans arrêt, demi-tour ou hésitation, jusqu’à l’arrivée au trottoir opposé.
– Le seul arrêt acceptable est dans le cas du croisement impromptu avec un véhicule véloce et déterminé, de 200 kg à 8 tonnes, muni de 4 roues et d’un pare-chocs imposant.
Voilà, je vous l’offre. Vous pouvez le reproduire et le remettre à vos amis, visiteurs, clients… qui seront fiers désormais de faire partie de la longue cohorte de ceux qui savent.
Par contre, en ce qui concerne la traversée de routes et autoroutes, je n’ai qu’un conseil : laissez cela aux buffles et autres bêtes à cornes ! À côté d’eux, vous ne faites pas le poids.
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