Le plateau de cinq fruits du Têt

Le plateau de cinq fruits du Têt

Ecrit par Guide francophone vietnam sur . Publié dans Culture et tradition

À l’occasion du Têt, chaque famille place sur l’autel des ancêtres, entre autres offrandes cultuelles, Le plateau de cinq fruits du Têt qui représente les cinq éléments de l’univers et exprime un voeu de fécondité. Le choix des fruits peut varier selon les régions, mais la présence d’une main de bananes vertes est de rigueur. Le qua thi (fruit du plaqueminier) figure parfois parmi les fruits élus. Le qua thi est le fruit du folklore et des enfants du Vietnam, sans doute à cause de sa présence dans le conte populaire Tâm Cam, notre Cendrillon. Il était une fois une jeune orpheline de mère, belle et douce, du nom de Tâm (Riz brisé). La marâtre la martyrisait, reportant toute son affection sur sa propre fille Cam (Son de Riz), aussi laide que méchante. Aidée par Bouddha, Tam sortit indemne de toutes les épreuves et finit par épouser le roi. Elle fut tuée par sa marâtre qui déguisa Cam pour lui faire prendre la place de Tâm au palais royal. Le Karma fit passer la vraie Reine par plusieurs vies. Elle devint successivement loriot, lilas du Japon, métier à tisser, puis plaqueminier au bord de la route. Une vieille femme conçut l’idée d’installer sous l’ombrage du bel arbre un étal de bambou pour y vendre du thé aux passants. Un soir où elle repliait son étal, une odeur de fruit se fit si pénétrante qu’elle leva les yeux. Elle vit à la cime de l’arbre un fruit magnifique. Vieille comme je suis, pensa-t-elle, je ne peux grimper à l’arbre.
Et elle fit ce voeu :
« O fruit de plaqueminier,
laisse-toi choir dans mon sac,
« Je ne te mangerai pas
Je te sentirai seulement ».
Le fruit tomba dans sa corbeille. Elle l’emporta dans sa paillote, désormais embaumée par le qua thi. Quelques temps après, Tâm sortit du fruit pour se réincarner. Le roi la retrouva et la ramena au palais. La marâtre et sa fille furent châtiées par le Ciel.
« O fruit de plaqueminier… », à travers les siècles, que de fois les enfants et les gens du peuple ont prononcé ce voeu pour que le Bouddha de la Miséricorde exauce leurs souhaits bien simples, ou soulage leur chagrin. Voeu éthéré, voeu de spiritualité, puisqu’on demande le fruit, non pour le dévorer, mais pour le sentir.
Au Vietnam, à l’occasion des cérémonies de sacrifice, on dépose des offrandes rituelles dont l’alcool, les fruits et les victuailles sur l’autel : les génies et les âmes des ancêtres en hument
l’odeur tandis que les mortels se partagent la substance matérielle. On distingue aussi les parfums en parfums sacrés et parfums profanes. Le parfum de jasmin, très fort pendant la nuit, est considéré comme lascif. Le fruit du plaqueminier est admis sur l’autel, parce que son parfum est léger. Il peut entrer dans la composition du plateau des cinq fruits cultuels (mâm ngu qua) qui trône sur l’autel des ancêtres à l’occasion du Têt, ce plateau symbolise les cinq éléments de l’Univers (eau, terre, bois, métal, feu), la fécondité, la bonne récolte.
Le plaqueminier (cây thi, diospyros decandra lour) est un arbre des pays chauds qui donne des baies arrondies charnues, de belle couleur jaune clair, parfumées, grosses comme des oranges. Il appartient à la famille des ébénacées, dont les espèces au Vietnam ont le nom générique de hông (kaki). Le bois de thi, malléable et résistant, est employé pour la fabrication de certains objets (cachet, piton, moules pour gâteaux de riz oan) et surtout pour la gravure xylographique (planches gravées pour l’impression des images populaires de Dông Hô, de livres en idéogrammes chinois ou vietnamiens). Une recette médicale populaire emploie ses feuilles pour le traitement post-opératoire des gaz dans le ventre. Les fleurs de plaqueminier, à petits pétales jaune-vert, s’épanouissent au printemps. Des linguistes plus ou moins poètes ont emprunté le terme « hoa thi » (fleur de plaqueminier) pour traduire le mot « astérisque » désignant le signe typographique qui n’existait pas dans le vocabulaire vietnamien. L’expression « noi hoa thi » veut dire: parler de manière exagérée pour se faire valoir. Par contre, « ngâm hat thi » (parler avec un noyau de fruit de plaqueminier dans la bouche) veut dire : parler de manière confuse, embarrassée. Un jeu d’enfant consiste à parier sur le nombre de noyaux que contient un fruit de plaqueminier qu’on va manger. Entre parenthèses, sa chair âcre est d’un goût douteux. Quand vient la saison des thi en automne, filles et garçons à la campagne tressent des petits filets pour y mettre un fruit de plaqueminier qui doit embaumer leur table d’écolier.

Le plateau de cinq fruits du Têt

Poulet, Cochon et Chien: N’oubliez pas les condiments !

Il était une fois, une famille riche largement pourvue de terres et de bétails. Un jour, elle perdit une dizaine de boeufs et de buffles. Heureusement, grâce à l’aide de ses voisins qui participèrent à la recherche, elle retrouva la totalité de ses bêtes.
Le mari et sa femme décidèrent d’organiser quelque chose pour remercier leurs voisins :
– Nous avons retrouvé nos bêtes grâce à la gentillesse de nos voisins. Alors, nous allons les convier tous à un grand repas pour leur manifester notre gratitude. Aujourd’hui, il est trop tard. Mais demain, nous allons tuer un poulet, un cochon et un chien pour cuisiner un festin en leur honneur.
Après cette décision, le couple décida d’aller se coucher. Au cours de la nuit, l’Ancêtre surgit et annonça dans un songe :
– J’ai entendu dire que demain vous allez abattre trois animaux. J’ai bien peur que vous ne commettiez une action immorale qui portera atteinte à l’effet bénéfique des ascendants. Pour y échapper, vous devez savoir quoi faire pour que ces animaux puissent se réincarner. Sinon, votre famille sera toujours malchanceuse.
Inquiète, la femme pria l’Ancêtre :
– Nous sommes de simples humains, nous ne savons que faire. Enseignez-nous, s’il vous plaît!
L’Ancêtre dit solennellement:
– Lorsque vous préparerez le poulet, il faudra y ajouter des feuilles de citronnier. Pour le porc, vous le cuisinerez avec des oignons et le chien devra être servi avec du galanga. Sans ces condiments, ils ne pourront pas se réincarner. Reconnaissants, l’homme et sa femme décidèrent d’obéir sagement. Tandis que l’Ancêtre parlait, les animaux tendirent leurs oreilles et ainsi ils comprirent qu’ils éviteraient la mort de leur âme si leurs maîtres respectaient ces consignes. Dès le lendemain matin, le poulet caqueta : où sont des
feuilles du citronnier ? Le cochon grogna : achetez des oignons pour moi ! et le chien aboya: Maman, maman, n’oubliez pas les galangas !
Désormais, ces condiments accompagnent toujours les mets de poulet, porc et chien. De ce fait, on aide ces animaux domestiques à se réincarner !

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