La langue vietnamienne.
D’origine austro asiatique, le vietnamien s’est développé à partir d’une langue môn-khmère non tonale.
Si la formation de l’ethnie kinh a été complexe; celle de sa langue ne I’a pas été moins. Elle garde de son origine une part importante dans son vocabulaire de base, même si des termes pluri syllabiques d’origine ont été réinterprétés en éléments monosyllabiques.
Cette langue originelle a reçu ensuite des apports thaï importants, en particulier des éléments grammaticaux et les premières formes de tonalité.
C’est à la fin de cette étape d’évolution que la langue vietnamienne a suivi une voie différente de celle du muong dont elle est linguistiquement proche.Alors que ce dernier évolue de manière endogène, par contamination par les parlers tay-thái de ses voisins et par des apports de vietnamien, la langue vietnamienne, subit de nouvelles transformations, principalement lexicales et tonales, sous l’influence de la présence chinoise.
La langue vietnamienne apparaît donc aujourd’hui comme une langue à structure fort hiérarchisée; vocabulaire et grammaire sont à base austro asiatiques. Sa superstructure vocabulaire (philosophique, religieux, administratif, technique) est chinoise. Un bel exemple d’interférences culturelles
Le vietnamien est donc une langue monosyllabique tonale, un mot pouvant néanmoins être constitué de plusieurs syllabes. Quant au système tonal c’est un moyen d’augmenter Ie nombre de prononciations différentes d’une même voyelle de base. Il donne à la langue richesse et souplesse d’utilisation, en plus de son aspect chantant.
Il est aussi, malheureusement, un véritable casse-tête pour quiconque, n’appartenant pas à la sphère des langues tonales, débute dans l’apprentissage de l’une de ces langues. Le vietnamien en est peut-être la plus difficile à assimiler.
Ainsi un “a”, par exemple, peut-il être montant, descendant, neutre sonore, neutre sourd, montant descendant, descendant montant . Une erreur de prononciation ou de compréhension peut conduire à de véritables quiproquos, même si, dans l’ensemble, le contexte permet de limiter les risques d’erreur.
A ces tons, peuvent être ajoutés des accents, ce qui fait qu’il n’est pas rare de trouver dans un texte vietnamien des voyelles accompagnées de deux signes diacritiques qui peuvent être placés au-dessus, au-dessous, voire en haut à droite d’une lettre. Dans l’ensemble, les 24 sons vocaux du vietnamien peuvent être prononcés de 66 manières différentes.
Si la langue écrite et parlée est partout la même, il existe des différences d’accents entre le Nord, le Centre et Ie Sud (cinq tons dans Ie Sud au lieu de six dans Ie Nord); par exemple la lettre « d » se prononce « z » dans Ie Nord, « y » dans le Sud; s’y ajoutent des variations régionales dont certaines proviennent des emprunts faits localement aux langues des ethnies minoritaires.
L’écriture aussi a évolué au cours des siècles. Jusqu’à présent aucune écriture antérieure à la période de domination chinoise n’a été découverte. A la fin de cette époque et pendant les siècles qui suivirent, de dynastie en dynastie, la Cour vietnamienne a conservé la langue et I’écriture chinoises (Ie chu nho ou chu han) pour tous les documents officiels. Ordonnances royales, études, dossiers et concours mandarinaux, testaments et tous les contrats étaient transcrits en chu nho.
L’enseignement fut d’abord du ressort de bonzes érudits, puis des « Lettrés » à partir de Ia fondation de « l’Ecole des Fils de I’Etat » (Quôc tu giám), première université du pays installée dans l’enceinte du Temple de Ia Littérature (Van Miêu) à Hanoi. L’utilisation des caractères chinois chu nho y a été enseignée jusqu’à la suppression des concours mandarinaux par l’administration française en 1919.
Dès le Xl ème siècle, des « Lettrés », pour se démarquer de l’emprise culturelle chinoise, ont imaginé Ia création d’une graphie proprement vietnamienne;
Déjà en 791 Ie roi au règne éphémère Phùng Hung, fut élu « Bô Cái Dai Vuông », c’est-à-dire Ie “prince/roi Père et Mère du Dai Viêt” ; les expressions Bô et Cái sont des termes typiquement vietnamiens et non chinois. C’est le poète Han Thuyên qui, récapitulant les travaux des précurseurs, inventa un nouveau système calligraphique, Ie chu nôm. Quoi que utilisée par les poètes, les savants, cette graphie ne fut jamais reconnue officiellement par la Cour qui resta fidèle au modèle chinois pour toutes les questions administratives et diplomatiques.
Dérivé des caractères chinois, Ie chu nom se voulait partie idéographique, partie phonétique. C’est ainsi qu’il y a eu quatre catégories de caractères:
– des idéogrammes chinois, adoptés comme tels sans modifications, si non mineures, de sens et de prononciation;
– des idéogrammes dont la prononciation viét est complètement différente de la prononciation chinoise, mais dont la signification identique;
– des idéogrammes dont la signification est différente de celle des modèles chinois, mais dont la prononciation est identique, ou presque
– des idéogrammes enfin qui n’ont aucune relation de sens ou de prononciation avec leurs modèles chinois.
La “fabrication” des signes chu nom se fit alors au moyen des trois procédés suivants :
– emprunt pur et simple d’un caractère chinois,
– assemblage de deux caractères chinois dont l’un représentait Ie sens, l’autre la prononciation,
– assemblage d’un caractère chinois exprimant Ie sens et d’un caractère nôm exprimant la prononciation.
L’arrivée des premiers Européens au XVllème siècle va conduire à de nouveaux changements. Dans un but d’évangélisation, les premiers missionnaires vont se faire un devoir de simplifier l’écriture vietnamienne et d’introduire les caractères latins que les Vietnamiens appellent Ie quôc ngu.
Deux prêtres portugais, Gaspar de Amaral et Antonio de Barbosa rédigent deux manuscrits “Annanuticum-Lusjtanum” et “Lusitanum Annamiticum” et instaurent un premier modèle de romanisation.
Peu après Ie jésuite francais Alexandre de Rhodes perfectionne Ie système et publie son “Dictionnarium annamiticum, lusitanum et latinum” à partir des éléments de ses prédécesseurs portugais. Ce système fût sensiblement remanié par la suite, mais sa validité et son adaptation à la langue vietnamienne, lui a permis de durer et d’être définitivement adopté après avoir été imposé dès 1906 par les Français dans l’enseignement secondaire.
Les premiers textes transcrits furent bien naturellement un catéchisme, puis des ouvrages religieux.
Au XlXème siècle, les missionnaires apportèrent l’écriture à des groupes ethniques de tradition orale et eurent à coeur d’utiliser le Nouveau Testament comme ouvrage de référence. Quant à l’influence des langues européennes, si celles de l’anglais et du russe ont été faibles jusqu’à présent, par contre celle du français, par la colonisation et les transformations sociales qu’elle a engendrées, est plus marquée. Pour certains mots, la filiation est encore évidente au voyageur français. Ca phé : café; xi mang : ciment ; ô tô auto ; etc.
Pour d’autres mots, les règles de la phonétique vietnamienne, ou le passage intermédiaire par une transcription chinoise ou sino-vietnamienne ne trahissent plus aussi aisément leur origine (phóng set : fourchette; xu hào : chou-rave; lop : pneu/enveloppe; mùi soa : mouchoir, etc.
En réaction à cette influence, des intellectuels, puis des politiques (donc influence également !), par les directives prises en 1930 par le Parti Communiste Indochinois, ont vietnamisé autant que faire se peut, par des mots forgés à partir de mots vietnamiens, tous les termes nouveaux empruntés à d’autres langues, que ce soit pour désigner des termes techniques (concrets) ou de nouveaux concepts (abstraits) politiques ou sociaux (chu nghia thuc dân : régime qui mange le peuple, colonialisme; tàu bay : bateau volant, avion…)
Sinon, dans Ia pratique, les langues européennes sont assez peu employées.
Même si le français est encore parlé (plutôt dans Ie Nord) par quelques personnes qui ont connu la période coloniale, il retrouve grâce depuis peu auprès des jeunes qui escomptent des débouchés professionnels dans Ie développement culturel et touristique, et éventuellement, au sein des entreprises françaises ou franco-vietnamiennes qui se développent. Cette langue est, dans l’ensemble, peu parlée.
Le tenue du Sommet de la Francophonie à Hanoi en 1997 devrait toutefois permettre d’en relancer la pratique.
L’anglais, plus parlé dans Ie Sud que dans le Nord en raison de deux décennies de présence américaine, est en pleine expansion du fait de la récente politique d’ouverture économique du pays qui profite également, dans une moindre mesure, à I’enseignement du chinois et du japonais.
Le russe a été enseigné dans toutes les écoles mais les élèves se sont sentis peu concernés. Il peut toutefois être encore utile dans des conversations avec des fonctionnaires.
L’allemand, peu répandu, est surtout pratiqué par des gens qui ont fait leurs études en Allemagne de l’Est, comme l’espagnol l’est par Ies étudiants qui furent envoyés à Cuba.
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